dimanche 10 novembre 2013

Rites modernes et évasion

La régularité des articles sur ce blog (ou blogue pour les puritains de la langue française !) laisse à désirer... Si seulement j'avais le pouvoir de contrôler le temps qui passe à une allure frénétique !

Les nouvelles de la Mongolie sont bonnes. Les jours à l'Alliance française s'écoulent gentiment, entre les leçons, la préparation des examens, les animations pour enfants... J'ai de quoi remplir mes journées. Les étudiants sont toujours très gentils avec moi, et les plus jeunes ne me laissent pas une seconde de répit pendant les cours si bien que même une fois posée dans mon canapé, les "bagch ! bagch !" (professeur ! professeur !) résonnent encore dans mes oreilles. Je dois toutes les semaines puiser dans mon imagination (qui atteint très rapidement ses limites) pour expliquer des notions linguistiques n'ayant aucune logique. Comment notre langue a-t-elle pu accumuler autant de bizarreries, je vous le demande !! Pourquoi faut-il dire "mon amie" et pas "ma amie", pourquoi on écrit "Vas-y" et "Va-t-en" ? Pourquoi "viendrai" et pas "venirai" ? Pourquoi "oiseau" est si compliqué à écrire et si simple à dire ?... Et de voir ces visages déconfits quand on leur répond "C'est comme ça, il faut l'apprendre...".  Pour les rassurer, je leur dis que moi aussi, je dois me battre avec la langue française tous les jours... C'est un combat sans merci, et j'ai peur que les doubles consonnes aient raison de ma raison un jour prochain...

Si l'orthographe française est un chemin de croix, la phonétique, elle, est un véritable parcours du combattant... Réussir à faire sortir d'une bouche un son qu'elle n'a jamais formulé auparavant... Un exploit surhumain !
Et je me rends compte du défi que relèvent les étudiants de l'Alliance quand c'est à mon tour de prendre la place de l'élève devant un manuel de langue mongole...Je suis une très mauvaise élève d'ailleurs, même pas capable de commander un thé dans un restaurant... J'ai honte... Je m'estime heureuse de "gérer" la prononciation du "bonjour" et du "merci"... Ce qui n'était pas gagné d'avance... Et pourtant, un ami mongol m'affirmait qu'il n'y avait rien de plus logique que cette langue car "makh" (viande) fait le bruit de deux mâchoires broyant un gros morceau de mouton, et "us" (eau) rappelle le bruit de la rivière qui s'écoule doucement... Admettons...
Cependant, il est vraiment que certaines choses sont intrigantes dans cette langue, surtout quand on la rapproche à d'autres comme le breton par exemple. On me faisait remarquer par exemple la proximité de sens et de prononciation entre le "ker" breton et le "ger" mongol, tous deux signifiant la maison, le foyer, le chez-soi.

Autre intrigue mais dans un autre répertoire, les petits garçons mongols naissent avec une tâche bleu dans le bas du dos, appelée d'ailleurs "tâche mongoloïde" que l'ont retrouve paraît-il sur le postérieur des nouveaux nés bretons assez régulièrement... Et si j'ai bon souvenir, pas plus loin que dans la propre fratrie ! Aurions-nous du sang mongol ? Cela ne serait pas impossible quand on sait que les invasions Gengiskhanniène se seraient étendues jusqu'à l'Atlantique. Prêtons alors foi aux croyances populaires (appuyées dit-on, par une explication scientifique) qui attribuerait à 0.5% de la population mondiale le privilège d'être des descendants de Gengis Khan lui-même, et alors, nous pouvons laisser notre imagination tisser de lointains liens de parenté avec ces "cousins" des steppes ! Et pourquoi pas ?

Nous avons plus en commun avec les mongols que nous ne pourrions le croire à première vue.  Un exemple flagrant : le cérémonial religieux qui entoure le service de la boisson ! Ici, point de breuvage tiré des fruits de la vigne, mais de la pure vodka comme on en boit nul par ailleurs. L'art est dans le service.
 Tous les convives, autour d'une table, doivent boire dans le même verre. L'hôte rempli une première fois le verre et le tend, de la main droite et avec la main gauche soutenant son coude droit, vers la personne à sa gauche. Le convive reçoit le verre de la main droite plonge le bout de son annulaire dans le liquide et envoi quelques gouttes en direction des quatre points cardinaux en signe de bénédiction, de remerciement. Il boit ensuite, seulement quelques gouttes, ou le verre entier, selon son envie, puis retend le verre à l'hôte. Celui-ci rajoute une dose de liquide dans le récipient et le tend alors à la personne suivante, toujours de la main droite, et ainsi de suite... Trois tours de table doivent être menés avant que, bien réconforté, l'hôte repose la bouteille sur la table.

Quand la vodka est bonne, on se sent l'âme nomade !



Les petits rituels du quotidien mongol s'intègrent petit à petit dans le mien, tendre un cadeau de la main droite, serrer la main d'une personne à qui l'on a malencontreusement tapé dans le pied, commander un thé salé avec son plat de viande, éviter de demander son âge à une femme...

Dans la nature aussi, les lieux empreints de mysticisme rappellent à l'homme son devoir de respect et de reconnaissance envers les forces qui le dépassent et dont il dépend. Ainsi, lors d'une randonnée sur le versant d'une des montagnes encerclant la ville, nous avons pu rencontrer plusieurs ovoos, monticule de pierre et de bois montant au ciel.


Les ovoos sont des monuments sacrés utilisés dans les cultes chamaniques. Chaque personne passant à proximité d'un ovoo doit s'y arrêter, faire trois le tour et y ajouter une pierre.


Des cérémonies chamaniques peuvent se dérouler sur ces sites des offrandes (viande, lait...) sont alors faites au ciel et à la montagne.

S'assoir à côté d'un site sacré et millénaire, en contemplant un paysage vierge et majestueux, c'est se sentir devenir tout petit, insignifiant. L'esprit se libère et s'envole avec les rapaces qui planent au-dessus de nos têtes.

Savoir que ces paysages seront toujours là, calmes et silencieux, a quelque chose de réconfortant...

Se laisser bercer par l'immensité immuable de la Nature, c'est la consolation des grands qui ne peuvent plus se blottir dans les bras de leur maman.



4 commentaires:

  1. Je crois même qu'il y a plus que la proximité entre "ker" et "ger", effectivement.. On parle souvent du faciès "mongoloïde" des bretons (une des Jacquelines, Hélène est carrément typée mongole alors qu'elle est bretonne pure souche !) et dans le finistère beaucoup (beaucoup !) de gens ont les yeux plus bridés que ronds...
    Moi j'attribuais ça au fait qu'on était des voyageurs, mais si Genghis est venu jusqu'à chez nous, peut-être que ça explique...

    Les bretons sont partout !!!

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Sympa le rituel pour "trinquer" à la vodka, mais arrives-tu à tenir jusqu'au troisième tours ? ;)

    En tout cas, je peux confirmer que tu as bon souvenir de mon postérieur de "nouveau-né"... ><

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