samedi 15 mars 2014

Passé, printemps, futur !

La semaine dernière, dans un de mes cours, je passais un extrait du film "Persepolis" de Marjane Satrapi.

Ce merveilleux film retrace la vie de sa réalisatrice, entre une enfance en Iran au lendemain de la chute du Shah, et une adolescence tumultueuse en Europe. Je vous le conseille vivement si vous ne l'avez pas encore vu ! Dans l'extrait choisi pour le cours, la petite Marjane sort dans les rues de Téhéran pour acheter une cassette d'Iron Maiden au marché noir. Tous les produits occidentaux se vendant sous le manteau après la révolution islamiste.

Après le visionnage, je sens comme un blanc dans le cours, tout le monde à un regard un peu abscent. Puis, le plus âgé du groupe prend la parole et dit "Tu sais Charlène, c'était comme ça ici aussi. Quand j'étais adolescent c'était pareil. On ne pouvait acheter des produits occidentaux qu'au marché noir, et si on portait des vêtements non-traditionnels on était emmené au poste. C'était ça avec les soviétiques aussi."
Cette fois, c'est moi qui ne sait plus trop quoi dire... "Ha bon... Mais, c'était à ce point-là ?"
"Oui, il y avait un marché noir où on pouvait acheter de la musique ou des vêtements, mais il ne fallait pas se faire prendre. Personne ne portait de jeans, le gouvernement soviétique nous surveillait partout, le pays était complètement fermé. Ce film aurait pu être tourné en Mongolie !"
"..."

La Mongolie est devenue une république démocratique en 1992. C'est à partir de cette date que le pays à commencé à s'ouvrir sur le monde, la rigidité soviétique laissant place au libéralisme à l'occidental.
Il y a une vingtaine d'année, à Oulan-Bator, une petite centaine de voitures étaient en circulation, et un quart seulement de ces voitures était privé, le reste appartenant à l'Etat.
Il est bien difficile d'imaginer ce passé pas si lointain, aujourd'hui que les rues sont constamment enkylosée par un trafic monstre.

De ce passé communiste, il ne reste plus grand chose si ce ne sont les anciens batiments soviétiques qui gisent maintenant comme des épaves dans la ville, érodés petit à petit par les vagues du modernisme.
En général, les mongols sont reconnaissants envers la Russie qui leur a en partie ouvert la voie du monde moderne. Mais personne aujourd'hui ne regarde la période communiste avec nostalgie, au contraire, tout le monde croit en l'avenir doré que promet la nouvelle politique libérale.

La capacité d'adaptation mongole est impressionnante. Passer d'un régime soviétique ultra-conservateur à une république démocratique en quelques années seulement et sans bain de sang, un exploit ! 

Bride de conversation avec un ami : "Pour moi, c'est difficile. Mon salaire ne me sert qu'à acheter à manger, mais mes enfants, eux, ils pourront, mettre de côté, voyager, aller voir le monde !"


Cela dit, et pour citer Chomsky, "le capitalisme et la démocratie sont, en dernier ressort, incompatibles", et il existe bien ici d'intolérables scandales humains et sociaux. La corruption est monnaie courante et la pauvreté morbide, mais on ne peut nier les efforts et la rapidité à laquelle la Mongolie évolue et s'adapte. Améliorera-t-elle la vie de chacun de ces citoyens ou ne fera-t-elle, comme trop souvent, qu'engraisser les portefeuilles déjà trop pleins de l'élite économico-politique ? L'avenir nous le dira.


Point météo pour finir : Le printemps mongol arrive ! Aujourd'hui nous avons un beau thermomètre indiquant 6°C ! La ville dégèle, les rues se remplissent de marcheurs et... les virus se réveillent... Obligée de rester au lit toute la journée d'hier avec comme unique activité les aller-retours à la salle de bain... Bonheur printanier !
Mais après tout, on se dit que l'hiver se termine, et comme dit Lala : "Le printemps arrive, dans un mois il y aura les premières pluies normalement !"

Allez, plus qu'un bon mois avant de voir de l'herbe pousser !



mercredi 5 mars 2014

Le sens de l'hiver

Un mois que je n'ai pas écrit... Le temps passe à une vitesse incroyable !
Comme vous vous en doutez, j'ai beaucoup de travail et peu de temps à moi.

L'hiver est toujours là, le mois de mars s'ouvre sur des matins à -20 et la nature est encore bien endormie, cloîtrée dans sa prison de glace. Nous avons eu une petite joie, il y a une semaine, le thermomètre a dépassé le zéro pendant quelques heures au moment le plus chaud de l'après-midi, nous nous sentions revivre un instant ! Il faisait presque chaud... Mais nous avons à peine eu le temps de sortir le nez de nos écharpes et d'offrir à notre visage les premiers rayons d'un printemps précose que nous replongions dans le froid sec et agressif de l'hiver...

Le froid, l'hiver.

La Mongolie met à l'épreuve le sens de ces mots. Ici, le froid n'est pas seulement cette sensation désagréable qui fait remonter des frissons le long de la colonne vertébrale. Ici, le froid est dangereux, C'est une menace permanente contre laquelle il faut toujours rester vigilant, une petite négligeance peut être fatale.

C'est un meurtrier.

 
"Il y a quelques semaines, à la campagne, une jeune famille se prépare pour les festivités du Tagaan Sar. Un matin, le père de famille part offrir son aide aux voisins. Les préparatifs de la fête étant très longs et conséquents, des bras supplémentaires ne sont jamais de refus. Le jour suivant, un des voisins arrive à la yourte de la famille pour demander à la mère de venir à son tour leur apporter de l'aide. L'entraide, comme l'accueil sont des choses qui ne se refusent pas dans les steppes. La mère laisse donc ses deux filles de 7 et 5 ans dans la yourte, pensant revenir le jour suivant.
Or, cette nuit-là, une tempête de neige envahit la campagne. Une tempête si violente, qu'on ne peut y voir à 2 mètres. La neige et le vent se déchainent et la yourte, isolée, tient tel un frèle rempart contre les assauts des éléments. A l'intérieur, les petites filles commencent à avoir froid, le feu se meurt. Elles décident de sortir chercher du bois pour la nuit. Mais la tempête est si violente, les bourasques de neige si denses, que les deux soeurs se perdent dans l'obscurité, incapables de disserner la silouette de la yourte à travers les trombes de neige. Elles ont froids, leurs membres commencent à s'engourdir, puis à geler.

Alors, la grande soeur enlève ses vêtements et les donnent à sa petite soeur. Tous ses vêtements.

Quelques heures plus tard, la tempête se clame, les parents peuvent alors revenir chez eux. Ils trouvent, à quelques mètres de la yourte, une petite fille à moitié gelée, sous un tas de vêtements... A côté d'elle, sa grande soeur, sans manteau,... et sans vie. Son petit coeur figé dans un écrin de glace."

Voilà une histoire qu'on m'a raconté cet après-midi, elle avait fait la Une des journaux mongols il y a quelques semaines. Une histoire parmi d'autres, une tragédie hivernale comme il y en a beaucoup ici. Dure, car on ne peut rien y faire, la Nature est toute puissante, on ne peut se révolter contre sa domination. On ne peut que s'émerveiller devant sa beauté, sa générosité, sa grandeur. Car nous ne sommes qu'une partie de son tout, qu'un membre frêle et fragile de son Ensemble.

La Nature terrifie et fascine les hommes. Et peut-être que pour se rassurer, pour nous rapprocher d'elle, nous avons voulu croire qu'elle "nous a créé à son image...".