jeudi 5 décembre 2013

Melting pot

Cette semaine, c'est la fin de la session d'automne ! Les cours sont terminés et les étudiants stressés révisent leur conjugaison dans la médiathèque. Une épreuve écrite et une épreuve orale par niveau... L'ambiance est studieuse dans les couloirs de l'alliance française de Mongolie ! Je ne sais pas qui, des étudiants ou des professeurs, sont les plus stressés. A la fin de mon dernier cours, alors que j'étalais longuement mes recommandations auprès de mes étudiants, l'un d'eux me coupe gentiment la parole et me dit avec un sourire : "Ne vous inquiétez pas professeur, on va l'avoir notre examen !"... N'est-ce pas au professeur de rassurer ses élèves normalement ?

C'est étrange de se retrouver "de l'autre côté de la barrière" pour la première fois. Je ne planche plus, je surveille ; je ne révise plus, je corrige ! Je ne stresse plus ?? Si, je stresse presque autant que si c'était à moi de rédiger dans une langue étrangère (je n'ai jamais été bonne en langue qui plus est !).

Pourvu qu'ils n'oublient pas de conjuguer leurs participes passés...

D'ailleurs, il semble que je ne sois pas la seule à stresser pour la réussite de mes étudiants ! Chacun surveillant une autre classe que la sienne, l'ambiance était curieuse dans la salle des profs à la sortie des épreuves écrites : "Alors, ils ont trouvé ça dur ?", "Les tiens n'ont pas eu le temps de finir, c'était trop long...", "Ah bon ! Ils ont dit que c'était dur, mais qu'est-ce qu'ils n'ont pas compris ?", "Bon, tu seras indulgente alors avec les notes, parce qu'ils ont bien bossé quand même !"...

Même scénario ce soir, à la fin des épreuves orales. Une fois le dernier étudiant parti, chaque professeur n'a pas pu s'empêcher de courir d'une salle à l'autre pour s'enquérir du succès de ses protégés. "Il n'a pas réussi ? Bah, c'est pas étonnant en même temps, il n'était jamais là...".
Bref, les épreuves sont passées, on respire ! Enfin, pas pour longtemps car ils restent maintenant les corrections... Même si, tous les étudiants semblent en droit d'espérer pouvoir passer au niveau supérieur, il y a déjà eu de belles perles... Comme ce grand moment de solitude quand, à la question "As-tu des frères et sœurs ?" l'étudiante me répond "Oui, j'aime beaucoup le basketball !", ou quand je dicte un numéro de téléphone et que je découvre que l'étudiante n'a aucun chiffre de bon sur son papier...

Mais passons, les turpitudes de la vie de professeur ne sont pas si extraordinaires... Ce qui peut l'être cependant, c'est d'assister à une répétition en costume de l'opéra Carmen, mise en scène en français par la troupe de l'opéra national de Mongolie !


Explications : Cet hiver, l'opéra d'Oulan-Bator porte à l'affiche le célèbre chef d’œuvre de Bizet en version originale. Comme le français n'est pas vraiment le répertoire habituel de la troupe, la direction de l'opéra a décidé de faire appel à l'alliance française pour donner des conseils d'ordre phonétique. Alisson (ma collègue, voisine de couloir et copine d'aventure !) a été réquisitionnée pour la tâche. La chance !

Aujourd'hui, dernier jour de son contrat avec l'opéra, elle m'a proposé de m'introduire pour la répétition intégrale de la pièce. Je n'ai pas vraiment hésité ! A 11 heures ce matin, nous étions assises confortablement dans les sièges rouges de l'opéra, prêtes à déguster 3 heures d'envolées lyriques. Les quelques mises au point du metteur en scène, les costumes encore approximatifs et les aller-retour des artistes dans la salle n'ont pas empêché la magie d'opérer.


 La première est la semaine prochaine, et Carmen sera sublime ! Encore une belle preuve que tout gagne a être mélangé et qu'il ne faut pas avoir peur de s'enrichir de la culture de l'autre. Bêtise de croire que l'on pourrait perdre son identité en accueillant ce qui est différent. Bien au contraire, nous courons seulement le risque de nous rendre plus riche.

Nous ne sommes qu'un mélange, mélange de notre père et de notre mère, de ce que nos parents, nos professeurs, nos amis nous ont apporté. Nos langues, nos conceptions du monde, nos religions ne sont rien d'autres que d'énormes enchevêtrements d'influences qui ont eu cours à différents moments de notre histoire. Le terme "identité" ne veut pas dire grand chose s'il traduit un rejet de ce qui est différent car, si on se penche un peu sur la question, on se rend compte que ce qui nous différencie est bien futile à côté de ce qui nous rapproche. Partout les gens ont besoin de rire et de pleurer, partout les gens aiment et ont besoin d'être aimé, partout les enfants ont besoin de jouer, partout les gens cherchent à améliorer leur condition, partout les parents se battent pour offrir un bel avenir pour leurs enfants...

Ce qui nous différencie, c'est que la tâche est plus facile pour certains que pour d'autres... Certains doivent se battre à chaque instant pour espérer atteindre un niveau de vie que d'autres ont acquis par "droit de naissance", "droit du sol". Et on a malheureusement pas besoin d'aller au bout du monde pour constater que ce fossé s'agrandit au sein même de notre société dite "égalitaire". 

Au dernière nouvelle, la France semble s'enliser de plus en plus dans le bourbier de la crise économico-socialo-écologico-politique, cela dit, de l'autre côté du continent eurasiatique, la petite communauté française ne manquent pas une occasion de pousser un joyeux cocorico. Ainsi, samedi 14 décembre, nous serons présents pour applaudir Carmen chanté dans la langue de Molière par de grands interprètes mongols, car cette histoire tragique trouve sans aucun doute un écho dans le cœur de tout ceux qui, sur notre petite Terre, ont un jour été amoureux !

jeudi 21 novembre 2013

Harmonie et diphonie

(Attention ! Recommandation préalable :  cet article est à lire bien confortablement assis, avec du temps devant soi et un casque audio sur les oreilles).


J'aimerai aujourd'hui vous faire partager un peu de l'univers sonore de la Mongolie.

J'aurai du mal à vous décrire les tonalités de la langue tellement elle est unique et incomparable. Elle peut sembler très dur au premier abord, très saccadée et gutturale, puis, sans prévenir, devenir très douce à l'oreille. Au-delà du sens (que je ne peux encore malheureusement pas atteindre), la langue mongole semble être à l'image du pays : rude comme l'hiver et harmonieuse comme les couleurs des temples bouddhistes, sèche comme une pente rocailleuse et liquide comme un ruisseau... Et l'harmonie ne vient pas toujours de là où on l'attend ! Alors, comment les mongols chantent-ils leur langue ?

Les chants traditionnels mongols utilisent une technique complexe appelée "chant diphonique". Je ne saurais vous expliquer comment de tels sons peuvent être produits par des cordes vocales humaines, mais le résultat est captivant. Comme pour la nourriture et le climat, ça surprend au début ! Mais quand on se laisse glisser, les yeux fermés, dans cet univers sonore si particulier, on peut être surpris du voyage mental que les sons peuvent nous faire faire. Voyez vous-même :





A ses techniques vocaliques viennent s'ajouter les instruments. Traditionnellement, on retrouve dans les compositions mongols : la gimbarde, le dombra, sorte de luth originaire du Khazakstan et le yangqin, grande cithare d'origine chinoise.
Mais l'instrument le plus emblématique de la Mongolie est sans aucun doute le morin khuur, la "viole à tête de cheval" classé parmi les chef-d’œuvre mondiaux de l'humanité par l'UNESCO.

                                                   

Cet instrument est présent partout : dans les orchestres mongols autant que dans les magasins de souvenirs. Il est utilisé par les nomades pour accompagner les chants, mais aussi pour transcender la relation entre l'homme et l'animal. En effet il arrive que, dans les campagnes, les chamelles rejettent leur petit et refusent de le nourrir. Le morin khuur est alors utilisé comme médiateur et son chant aurait le don de pouvoir réconcilier la mère est son nouveau né (voir le film : "L'histoire du chameau qui pleure" de Byambasuren Davaa, magnifique conte mongol).

Bien plus qu'un instrument de musique, le morin khuur est un symbole de la culture nomade. Son origine relève de la mythologie. Le premier morin khuur aurait été fabriqué par un jeune homme avec les os et la peau de son cheval blanc afin qu'il soit toujours en communion avec lui même après la mort de l'animal. Cet instrument symbolise donc à lui seul toute la force et l'intensité de la relation entre l'homme et son cheval. Chaque morin khuur possède deux cordes, une femelle composée de 105 poils de la queue d'une jument et une mâle avec 130 poils de la queue d'un étalon. L'instrument est également décoré par la tête sculptée d'un cheval à l’extrémité du manche.

Mais assez de blabla. Je vous laisse découvrir par vous-même la puissance de la musique (écoutez jusqu'au bout, avec un casque pour vraiment apprécier !) :




(Je sais pas vous, mais moi, ça me donne la chair de poule !)

Dans un registre un peu différent. Voilà le type de chanson traditionnelle qu'on peut entendre dans les bus ou à la radio ou ...






... dans le couloir de la résidence!
Ma voisine semble beaucoup aimer cette musique et a tendance à souvent laisser sa porte ouverte et sa télé branchée sur le "MTV" mongol. Je vis donc la plus part du temps avec un fond sonore composé d'émission de télé réalité et de chansons kitches si bien que j'ai parfois l'impression de vivre dans un film de Wong Kar-Wai.
La résidence dans laquelle je vis est aussi celle des étudiants en art et musicologie. Ainsi donc, elle est rarement calme et silencieuse ! A quelques portes de la mienne, un chanteur fait ses exercices de vocalises diphoniques tous les matins sur le chemin de la salle de bain. Un autre, à l'étage du dessous, est un adepte du chant lyrique. Et une voisine, elle, monte et descend ses gammes le dimanche matin quand j'essaie de profiter de ma seule grasse matinée de la semaine...

Quitte à choisir, je préfère être réveillée par une voix cherchant à atteindre les octaves les plus aigües possible plutôt que par le roulement du tambour de la machine à laver de ma voisine... Mais, on ne me laisse pas vraiment le choix et, chanceuse que je suis, j'ai souvent droit aux deux en simultané : mon récital atypique du week-end !

Lorsqu'on sort dans la rue, c'est un tout autre charivari. Exit les chants lyriques, place à la symphonie des klaxons. Les piétons n'ont aucune priorité sur l'asphalte, même sur les passages piétons et avec le petit bonhomme au vert, la méfiance est de rigueur si on ne veut pas se faire tailler un short. Les voitures peuvent débouler de n'importe où et s’insérer dans le trafic de manière totalement anarchique. Les accrochages sont fréquents et les blocages de carrefour plus encore. Dans ce joyeux bordel, les automobilistes ne perdent jamais une occasion de faire sonner leur klaxon, chacun ayant d'ailleurs un timbre particulier selon l'origine de la voiture. Un piéton qui traine un peu trop les pieds sur la chaussée, un feu qui tarde à tourner au vert, un engorgement qui ne se débloque pas ou encore pour avertir qu'on va doubler, s'insérer, accélérer, ... , toutes les occasions sont bonnes pour jouer de l'avertisseur. De quoi faire rougir le plus énervé des parisiens !

Il faut monter haut dans les montagnes environnantes pour que le bourdonnement de la ville s'atténue un peu. Alors, c'est le silence des grands espaces et le crissement de la neige sous les semelles qui viennent caresser nos tympans. Mais même à des kilomètres de la ville, le silence n'existe pas. La nature n'aime pas le vide et il y a toujours une harmonie subtile en suspend.

Parfois le vent fort et glacé crie à nos oreilles, et on croirait alors entendre dans l'air ces chants si particuliers des hommes et des femmes des steppes... La boucle est bouclée.






Alors, bien sûr, il n'y a pas que de la musique traditionnelle en Mongolie ! Les Beatles chantent dans les taxis de Oulan-Bator comme partout ailleurs et les goûts musicaux vont de la pop à l'électro en passant le métal et le R&B.
Voilà par exemple un petit exemplaire de ce qu'on a pu entendre il y a un mois sur la place Suukhbaatar (la qualité est très mauvaise, je m'en excuse... ).





... Allez, un petit dernier pour la route, parce que j'aime beaucoup ce groupe !




Information subsidiaire : J'ai mis deux jours à finir cet article pour des raisons de coupures d'électricité... L'hiver s'installe...






dimanche 10 novembre 2013

Rites modernes et évasion

La régularité des articles sur ce blog (ou blogue pour les puritains de la langue française !) laisse à désirer... Si seulement j'avais le pouvoir de contrôler le temps qui passe à une allure frénétique !

Les nouvelles de la Mongolie sont bonnes. Les jours à l'Alliance française s'écoulent gentiment, entre les leçons, la préparation des examens, les animations pour enfants... J'ai de quoi remplir mes journées. Les étudiants sont toujours très gentils avec moi, et les plus jeunes ne me laissent pas une seconde de répit pendant les cours si bien que même une fois posée dans mon canapé, les "bagch ! bagch !" (professeur ! professeur !) résonnent encore dans mes oreilles. Je dois toutes les semaines puiser dans mon imagination (qui atteint très rapidement ses limites) pour expliquer des notions linguistiques n'ayant aucune logique. Comment notre langue a-t-elle pu accumuler autant de bizarreries, je vous le demande !! Pourquoi faut-il dire "mon amie" et pas "ma amie", pourquoi on écrit "Vas-y" et "Va-t-en" ? Pourquoi "viendrai" et pas "venirai" ? Pourquoi "oiseau" est si compliqué à écrire et si simple à dire ?... Et de voir ces visages déconfits quand on leur répond "C'est comme ça, il faut l'apprendre...".  Pour les rassurer, je leur dis que moi aussi, je dois me battre avec la langue française tous les jours... C'est un combat sans merci, et j'ai peur que les doubles consonnes aient raison de ma raison un jour prochain...

Si l'orthographe française est un chemin de croix, la phonétique, elle, est un véritable parcours du combattant... Réussir à faire sortir d'une bouche un son qu'elle n'a jamais formulé auparavant... Un exploit surhumain !
Et je me rends compte du défi que relèvent les étudiants de l'Alliance quand c'est à mon tour de prendre la place de l'élève devant un manuel de langue mongole...Je suis une très mauvaise élève d'ailleurs, même pas capable de commander un thé dans un restaurant... J'ai honte... Je m'estime heureuse de "gérer" la prononciation du "bonjour" et du "merci"... Ce qui n'était pas gagné d'avance... Et pourtant, un ami mongol m'affirmait qu'il n'y avait rien de plus logique que cette langue car "makh" (viande) fait le bruit de deux mâchoires broyant un gros morceau de mouton, et "us" (eau) rappelle le bruit de la rivière qui s'écoule doucement... Admettons...
Cependant, il est vraiment que certaines choses sont intrigantes dans cette langue, surtout quand on la rapproche à d'autres comme le breton par exemple. On me faisait remarquer par exemple la proximité de sens et de prononciation entre le "ker" breton et le "ger" mongol, tous deux signifiant la maison, le foyer, le chez-soi.

Autre intrigue mais dans un autre répertoire, les petits garçons mongols naissent avec une tâche bleu dans le bas du dos, appelée d'ailleurs "tâche mongoloïde" que l'ont retrouve paraît-il sur le postérieur des nouveaux nés bretons assez régulièrement... Et si j'ai bon souvenir, pas plus loin que dans la propre fratrie ! Aurions-nous du sang mongol ? Cela ne serait pas impossible quand on sait que les invasions Gengiskhanniène se seraient étendues jusqu'à l'Atlantique. Prêtons alors foi aux croyances populaires (appuyées dit-on, par une explication scientifique) qui attribuerait à 0.5% de la population mondiale le privilège d'être des descendants de Gengis Khan lui-même, et alors, nous pouvons laisser notre imagination tisser de lointains liens de parenté avec ces "cousins" des steppes ! Et pourquoi pas ?

Nous avons plus en commun avec les mongols que nous ne pourrions le croire à première vue.  Un exemple flagrant : le cérémonial religieux qui entoure le service de la boisson ! Ici, point de breuvage tiré des fruits de la vigne, mais de la pure vodka comme on en boit nul par ailleurs. L'art est dans le service.
 Tous les convives, autour d'une table, doivent boire dans le même verre. L'hôte rempli une première fois le verre et le tend, de la main droite et avec la main gauche soutenant son coude droit, vers la personne à sa gauche. Le convive reçoit le verre de la main droite plonge le bout de son annulaire dans le liquide et envoi quelques gouttes en direction des quatre points cardinaux en signe de bénédiction, de remerciement. Il boit ensuite, seulement quelques gouttes, ou le verre entier, selon son envie, puis retend le verre à l'hôte. Celui-ci rajoute une dose de liquide dans le récipient et le tend alors à la personne suivante, toujours de la main droite, et ainsi de suite... Trois tours de table doivent être menés avant que, bien réconforté, l'hôte repose la bouteille sur la table.

Quand la vodka est bonne, on se sent l'âme nomade !



Les petits rituels du quotidien mongol s'intègrent petit à petit dans le mien, tendre un cadeau de la main droite, serrer la main d'une personne à qui l'on a malencontreusement tapé dans le pied, commander un thé salé avec son plat de viande, éviter de demander son âge à une femme...

Dans la nature aussi, les lieux empreints de mysticisme rappellent à l'homme son devoir de respect et de reconnaissance envers les forces qui le dépassent et dont il dépend. Ainsi, lors d'une randonnée sur le versant d'une des montagnes encerclant la ville, nous avons pu rencontrer plusieurs ovoos, monticule de pierre et de bois montant au ciel.


Les ovoos sont des monuments sacrés utilisés dans les cultes chamaniques. Chaque personne passant à proximité d'un ovoo doit s'y arrêter, faire trois le tour et y ajouter une pierre.


Des cérémonies chamaniques peuvent se dérouler sur ces sites des offrandes (viande, lait...) sont alors faites au ciel et à la montagne.

S'assoir à côté d'un site sacré et millénaire, en contemplant un paysage vierge et majestueux, c'est se sentir devenir tout petit, insignifiant. L'esprit se libère et s'envole avec les rapaces qui planent au-dessus de nos têtes.

Savoir que ces paysages seront toujours là, calmes et silencieux, a quelque chose de réconfortant...

Se laisser bercer par l'immensité immuable de la Nature, c'est la consolation des grands qui ne peuvent plus se blottir dans les bras de leur maman.



samedi 9 novembre 2013

Coup de gueule

Cher ami-e-s, je suis inquiète. Très inquiète. Je viens de regarder un média français sur lequel je ne m'étais pas aventurée depuis quelques temps (éloignement oblige) ... et j'en avais les larmes aux yeux de voir un tel étalage de conneries.C'est une véritable HONTE d'oser appeler "journal" un tissu d'aneries ne faisant que déblatterrer des stupidités a peine digne d'un groupe d'adolescents prépubères. Les responsables de ces médias abrutissent, formatent et lobotomisent nos cerveaux un peu plus chaque soir. C'est en prenant du recul et en se coupant de cela pendant quelques temps que l'on se rend compte à quel point les médias nous donnent une image dégradante de l'humanité et de la société.

Comment en est-on arrivé là ? Comment peut-on supporter que l'on nous parle aussi ? Comment peut-on se laisser considérer comme des cerveaux mous, incapables de penser par eux-mêmes, seulement bons à consommer ? Comment avons-nous pu accepter de se laisser infantiliser de la sorte ? Comment peut-on regarder, sans ressentir une profonde gêne, ces émissions qui n'ont aucun respect pour l'humanité, pour l'intelligence et pour l'intégrité des personnes ? La liste serait trop longue à énumérer. Aujourd'hui, la télé et les médias en général ne s'adresse plus à des individus doté de raison mais à des êtres infantilisés et émotionnellement assistés. Car la télé ne sollicite pas notre raisonnement, notre intelligence, mais nos émotions. Elle joue avec, les manipule et nous fait ensuite croire que nous faisons des choix raisonnés. Je suis outrée, révoltée, dépitée, je ne comprends pas comment nous avons pu nous laisser abrutir au point que nouss n'ayons même plus la capacité de nous indigner de cela.

Connaissez-vous l'histoire de la grenouille et de l'eau bouillante ?
Mettez une grenouille dans de l'eau bouillante, elle sautera hors de la casserole avant même d'avoir touché l'eau. Mais mettez là dans de l'eau froide, puis mettez la casserole sur le feu. La grenouille restera dans l'eau jusqu'à mourir ébouillantée. J'ai l'impression que notre cerveau est sur le point d'être ébouillanté, cuit dans le jus nauséabond de la désinformation.

Je vous invite à faire l'expérience. Essayez de ne pas regarder (mais pas du tout du tout) la télé pendant 2 semaines (3 si vous vous en sentez capable, on prend vite goût à la liberté !). Lisez, écoutez un peu la radio, ou simplement de la musique, jouez, ne faites rien, discutez....

Et puis, rallumez-là, regardez les infos, les émissions qu'on vous propose, vous sentez-vous plus intelligents ? Avez-vous l'impression d'avoir perdu votre temps ? Prenez du recul sur ce qu'on peut vous dire, vous faire croire dans cette boîte à image formatées, cette boîte à créer de la pensée préconçue. Sautons de la casserole avant d'être complètement cuits. Indignons-nous !

Soyons exigeants ! Réclamons de la qualité, exigeons notre droit à la reconnaissance et au respect de notre intelligence.  Refusons ce discours infâme qui consiste à nous faire croire que réfléchir et utiliser sa raison c'est "se prendre la tête", et que c'est "réserver au intello boutonneux et arriérés qui vivent reclus dans les universités". Essayons de faire honneur à notre magnifique capacité d'analyse, de compréhension et de raisonnement. Ayons du respect pour nous-même ! Ne nous laissons pas enfermé dans la case des "gens qui veulent se divertir et pas se prendre la tête".

Oui, se divertir, c'est très important. Mais  réfléchir, se poser des questions, ce n'est pas là se prendre la tête... Sommes-nous devenus à ce point fainéants que nous n'ayons plus l'envie de se servir de notre matière grise ? Gardons notre esprit critique grand ouvert, c'est notre meilleur allié. Soyons fiers d'être des êtres pensants et non pas des moutons (ou des grenouilles...). Réclamons notre droit de penser, de réfléchir et d'analyser (sans se faire traiter d'intello réactionnaire et ennuyeux). Exigeons une information de qualité, et non pas une bouillie pré-mâchée. Indignons-nous ! Prenons du recul, et on se rendra vite compte de l'étroitesse de la boîte dans laquelle on veut nous faire rentrer. Refusons que notre cerveau soit broyé par le rouleau compresseur des masse-médias, c'est notre premier devoir de citoyen responsable !

Je ne sais pas si je fais bien de publier cela... Il n'est jamais bon de réagir à chaud. Mais ceux qui me connaissent bien ne seront pas surpris... Et ce soir, je suis tellement dépitée que je ne peux pas le garder pour moi.
Je suis en train de lire un livre sur un sacré bonhomme qui s'est exilé du monde pendant 6 mois. Il est parti vivre dans une cabane en Sibérie, sur les bords du lac Baïkal. Et je me dis que c'est peut-être lui qui a raison finalement...

Faites l'expérience (de la télé, pas du lac Baïkal !), et envoyez-moi vos commentaires !

PS : les commentaires sur le blogue ne semblent pas s'enregistrer... Je ne comprends pas pourquoi... 

mardi 22 octobre 2013

Tradition et modernité, nature et urbanisme

Voilà une première étape de passée : mon premier mois en Mongolie ! Que dire de ces 30 derniers jours ?  Ils ont été forts, intenses, riches, passionnants. Et ce n'était que le commencement !

L'hiver prend ses quartiers dans la ville. Ce matin, les rues sont blanches et calmes. La route n'est pas déneigée devant la résidence. Les voitures roulent donc au pas lent pour ne pas glisser, tout comme les marcheurs sur les trottoirs. L'hiver ralentit la ville. Chacun se prépare aux prochains mois et aux chutes vertigineuses de température.

Peace street est la rue principale, elle ceinture la ville l'Ouest en Est et se prolonge à l'infini dans les steppes désertiques qui entourent la capitale. C'est l'axe de l'éternel trafic, des bouchons permanents. En suivant ce corridor sur toute sa longueur urbaine, on constate l'évolution de la ville. En partant de l'extérieur, on pénètre dans la capitale par les quartiers de yourtes, bric-à-brac de planches et de palissades cachant la pauvreté de ses habitants, puis, rapidement, les habitats de fortune font place à des bâtiments en dur de style soviétique. Certains sont vétustes, d'autres en rénovation, et plus on se rapproche du centre névralgique de la ville, plus les constructions s'élèvent vers le ciel illustrant ce besoin propre à l'homme de vouloir conquérir tous les espaces, tant horizontaux que verticaux.

Enfin, apparait l'apogée du modernisme mongol : la tour blue sky, immense voile de verre et d'acier dressée comme une provocation face à la place Sukhbaatar (récemment renommée place Chinggis Khaan).

 
 


Au nord, l'imposante statue de Chinggis Khan présidant le palais du gouvernement se dresse face à cet hôtel de luxe à 138€ la nuit.




Tradition et modernité se livre bataille ici, et tels des spectateurs dans leur tribune, les blocs de bétons sovièt semblent posés de part et d'autre de la place, attendant le dénouement de cette éternelle lutte dans laquelle ils n'ont plus tellement de rôle à jouer. Les pièces de l’échiquier sont en place, qui de la société consumériste outrancière ou de la tradition nomade sera la plus légitime dans la Mongolie de demain ?





Oulan-Bator a beau être la capitale la plus froide du monde, beaucoup de gens vont passer l'hiver dans les rues.
Tout au long de Peace Street, des vendeur(se)s tiennent leur échoppe sur les trottoirs. Quelles fruits et légumes (de plus en plus rares...) des bonbons et des gâteaux secs, des chaussettes et des collants de laine. Je pensais que ces petits étalages (parfois, seulement une table) n'étaient ouverts que lorsque la température extérieurs restait à un niveau tolérable, mais on m'a assuré que c'était souvent le seul moyen de subsistance des ces petits commerçants et qu'ils ne pouvaient donc pas se permettre de "fermer" 6 mois de l'année.

Ainsi donc, la dame vendant des paquets de mouchoirs et des bonbons à l'entrée du passage souterrain à quelques mètres de chez moi augmente la quantité de couche de vêtement sur son dos au fur et à mesure que la température diminue. Elle emmitoufle ses pieds dans des écharpes et boit du thé chaud assise sur son petit tabouret. Comment peuvent-ils tenir tout l'hiver dans ces conditions ? Car si nous avons déjà dépassé les -10°C et que le thermomètre ne monte plus guère au-dessus du zéro, nous sommes encore loin des -30°C...

Ces courageux commerçants ne sont pas les seuls à passer la journée dehors. Le gouvernement actuel n'est plus aussi généreux que le gouvernement communiste qui donnait gratuitement à chaque famille un terrain pour vivre. Ainsi de nombreuses personnes vivant à Oulan-Bator n'ont même pas les moyens de s'acheter une yourte. Ne pouvant survivre dans la rue, ils vivent sous terre. On rencontre ainsi, un peu partout dans la ville, des bouches d’égout ouvertes, porte d'entrée vers un monde souterrain où des familles ont élu domicile pour pouvoir échapper aux températures meurtrières de l'hiver. Collées aux canalisations apportant l'eau chaude dans les habitations, ils trouvent de quoi se réchauffer. Ils s'effacent du monde de la surface, trop rude et trop hostile pour trouver un peu de chaleur là où plus personne ne les voit. La pauvreté se cache sous terre ou dans les quartiers de yourtes pour laisser aux Hugo Boss, Dior et autres Blue Sky hôtel la place nécessaire à leur provocant étalage de richesse.

Certains disent que la Mongolie est en perte de repère, qu'en se coupant de ses traditions, elle s'éloigne d'elle-même et qu'elle vend son âme au démon du capitalisme. D'autres affirme que la Mongolie a tout à gagner à persévérer dans cette direction car c'est le chemin qui les mènera vers une meilleure qualité de vie. Pour certains, oui. Pour tous ?... Pas sûr...

Pourtant, la Mongolie est peut-être la mieux placée pour montrer l'exemple, car les mongols ont toujours entretenu un lien extrêmement fort avec la nature sur ce territoire immense. Le respect de la nature, la soumission de l'Homme à sa toute puissance et la reconnaissance des bienfaits qu'elle nous apporte sont les piliers de la culture nomade.

Les bottes traditionnelles ont le bout recourbé pour ne pas blesser la Terre...... mais à Oulan-Bator la mode est aux talons aiguilles claquants sur l'asphalte ; traditionnellement, les premières gouttes de vodka doivent être lancées vers le ciel pour le remercier...... mais à Oulan-Bator personne ne baptise les plafonds des bars en remerciement de l'alcool importé. On ne remercie plus, on ne s'excuse plus. On prend et on jette. S'il est tout à fait normal pour une population de vouloir tendre vers un meilleur niveau de vie (et personne ne peut sérieusement le leur reprocher), il ne faut pas oublier qu'il y a toujours un prix à payer. Et ici, la note commence déjà à être salée : pollution alarmante de l'air, maladie, pauvreté... Espérons que les choix futurs de la Mongolie se fassent dans l'intérêt de toute la population et de leur environnement si précieux. Pour l'instant, je me prépare à passer l'hiver dans la capitale la plus froide et la deuxième ville la plus polluée du monde !


Je poursuis sur une note plus personnelle. Notre sortie dominicale et salvatrice après une semaine en ville nous a emmené au parc national Guu-Galuutai. 3 heures de bus, dont 1 h 30 de pistes chaotiques ont été nécessaires pour atteindre notre but. Après avoir visité la statue équestre (et toujours aussi monumentale) d'un Chinggis Khaan argenté de 40 mètres de haut sur la colline où aurait été trouvé son fouet d'or (rien que ça !), nous nous perdons dans la steppe immense.


 Le chauffeur doit demander plusieurs fois son chemin.


 Les pistes serpentent dans un paysage sans repère. Une voie de chemin de fer, un lac, un cours d'eau, une yourte, un monde à l'horizontal, un désert. Nous allons jusqu'au bout de la piste (celle qui passe devant une petite yourte et qui file tout droit puis qui bifurque un peu sur la gauche). Les véhicules motorisés ne sont plus autorisés au-delà, c'est une réserve naturelle très protégée. Nous partons alors pour une petite grimpette, nous visons la crête de la colline au pied de laquelle nous nous trouvons.


Une fois en haut, nous poursuivons un peu notre chemin (nous avons vu des chevaux au loin ! ils ne sont pas sauvages donc nous pouvons les approcher un peu).


Puis nous redescendons par un autre versant... Mais,... où est le bus ?? Où sommes-nous ? Égarés... Nous avons réussi à nous perdre et à faire paniquer l'organisatrice du tour qui nous attendait au bus. Nous retrouvons notre chemin finalement, très surpris d'avoir réussi à s'égarer sur une colline rocailleuse. On fait moins les malins quand on se retrouve dans un environnement vierge, sans balise et sans chemins tracé... Mais quel plaisir de savoir que de tels endroits se trouvent à quelques kilomètres de la ville !


Une première étape a également été franchie dans mon intégration : j'ai eu ma première interaction commerciale en mongol ! Demander un produit, demander le prix, comprendre la réponse, payer, remercier, saluer. L'étape "comprendre la réponse" a été la plus difficile à atteindre, mais je progresse... Je vous parlerai plus longuement de la langue mongole car il y a beaucoup de chose à en dire ! J'y consacrerai un prochain article. Pour le moment, il est temps que j'aille travailler.... Il faut bien que je justifie ma présence ici !

samedi 12 octobre 2013

L'hiver arrive...

Encore une semaine de passée. Je commence à me perdre dans ce pays si différent du mien et tellement éloigné des clichés que l'on peut en avoir.

Je prends le temps de faire un nouvel article car aujourd'hui c'est journée lessive ! Et comme ma machine est une "semi-automatique", il faut que je la remplisse et que je la vide moi-même... Après 2 inondations de salle de bains et une bonne série d'arrachage de cheveux, je maitrise à peu près la bête ! Mais comme les cycles automatiques ne sont que de 15 minutes, je ne peux  pas m'éloigner très longtemps... Et bien sûr, pour rendre les choses encore plus simples, le cycle d’essorage ne fonctionne pas... Le terme "semi-automatique" est donc très discutable... Ah ! La joie de la modernité, la simplification du quotidien ... Blablabla !



Hier soir, les premiers flocons de neige de l'année sont tombés ! En quelques minutes, les rues se sont recouvertes du familier manteau blanc, éclaireur annonçant l'arrivée imminente du long, du rude hiver sibérien. 


 Je suis aux anges ! Et oui, aussi étrange que cela puisse sembler, et je dois vous dire qu'il m'a fallu du temps pour me l'avouer, mais il faut bien que je vous le dise, que je me confesse : j'aime l'hiver !! (ah ! Un instant, je dois aller vider ma machine à laver... où est-ce que j'ai mis ma bassine ??)
Je disais donc que je préfère parcourir des étendues gelées, me noyer dans un océan de neige, m’emmitoufler dans un long manteau et chausser d'épaisses bottes fourrées ...

(d'ailleurs, voici mes dernières acquisitions : chaussettes en poils de chameau


 Et bottes fourrées :


... plutôt que de me cramer la peau sur une plage noire de touristes bouffant leur glace vanille-fraise. Le froid conserve, la chaleur pourrit... Bon, il est vrai que je ne suis pas contre un bel été plein de couleurs, de fruits et de soirées en terrasse, mais que voulez-vous... J'aime l'hiver ! :)

Et il semble que je ne sois pas la seule ! On pourrait croire que dans ce pays où l'hiver dure 6 mois, les gens sont légèrement blasés, si ce n'est aigris par l'arrivée de la neige. Et pourtant, hier soir, tout le monde sortait dans la rue, en pyjama, pour avaler les premiers flocons et se prendre en photo la tête et les épaules recouvertes de poudre blanche.

Nous sommes tellement semblables ! Car qu'y a-t-il de si excitant à voir la neige tomber ? Pourquoi, partout autour du globe, les gens redeviennent des enfants à la vue de ce simple phénomène naturel qui se renouvelle chaque année ? Nous sommes tous pareils, peu importe l'endroit où nous sommes nés, une mère et un père porteront toujours le même regard d'amour sur leur enfant, la douleur aura toujours le même visage, et les petits comme les grands sortiront toujours dehors la tête tournée vers le ciel et le sourire aux lèvres quand les premiers flocons de neige tomberont du ciel.

Il est une autre chose qui transcende les frontières, et c'est ce sentiment extrêmement désagréable, ce besoin animal de défendre et de revendiquer son identité, qui naît au plus profond de soit lorsque l'on se sent rejeter pour le simple fait d'être différent. Il est difficile de le concevoir avant d'y être réellement confronter.

Ici, je fais partie des immigrés (car le terme "expatrié" est simplement là pour nous rassurer et nous différencier des autres, mais les français et les occidentaux en général qui vivent en dehors de leur pays sont bien des immigrés établis dans un pays d'accueil!) , je fais donc partie des immigrés appartenant à la minorité visible dans un pays où le sentiment ultra-nationaliste va grandissant (à lire : http://www.monde-diplomatique.fr/2013/03/GENTE/48814 ), je passe de l'autre côté de la barrière dans une situation qui me semble familière...

Le sentiment propre aux occidentaux d'être "partout les bienvenus" est très vite ravalé, nous ne sommes pas des expatriés accueillis les bras ouverts dans un pays idolâtrant le modèle occidental, mais nous sommes des immigrés tolérés qui devrons rendre des comptes et s'adapter avant d'être accepter dans la communauté. Rien de plus normal après tout, pour être accepté dans son pays d'accueil, il faut se plier aux règles de celui-ci. Et pourtant, rien n'est plus que compliqué de s'intégrer dans un pays qui ne ressemble en rien au sien et où même apprendre la langue est un vrai calvaire... Et je me dis que ce qui est vrai en Mongolie doit être vrai aussi en France, avec un avantage pour ma part car je suis venue ici de mon plein gré, je ne fuyais pas à contre-cœur un pays en guerre (par exemple) ...

Cela dit, dans ce contexte, les relations qui se créent sont sincères et ne souffrent d'aucuns tabous. Les mongols sont fiers et entiers, ils ne font pas de courbettes ni de grands sourires mais serrent chaleureusement la main, le regard droit.

Quelle culture ! quelle richesse! quelle fierté ! Je suis à la fois perturbée et en admiration, ce pays me fascine. La dureté des regards, les gestes parfois déplacés dans la rue, à tout cela, je n'y étais pas préparée, mais la richesse et la sincérité des relations avec les gens m'enchantent et me captivent.

Je vais maintenant essorer et étendre mon linge !
J'espère que vous allez tous bien. Donnez-moi de vos nouvelles !

dimanche 6 octobre 2013

La Mongolie, perdue au centre du monde.

La Mongolie va être extrêmement difficile à raconter, encore une fois... Existe-t-il des mots dans la langue française, pourtant si riche, pour décrire la beauté des gens, leur façon étrange de concevoir le monde, la beauté sauvage et rude de la steppe...

Mes cours à l'Alliance se déroulent le plus normalement du monde. Les étudiants prennent leur rythme en même temps que moi, et nous commençons à créer une certaine cohésion en classe... Enfin... Quand ils viennent ! Car la ponctualité mongole est, et de loin, la pire de toute ! Comptez toujours au moins un quart d'heure de retard. Mais on atteint très facilement la demi-heure, en toute circonstance, que ce soit pour un simple rendez-vous dans un café ou pour une réunion officielle. Certains imputent ce retard au trafic qui est certes une perte de temps monumentale pour les conducteurs et un danger permanent pour les piétons, mais je ne pense pas que ce soit l'unique raison... On m'avait pourtant prévenue ! Mais comme je ne suis pas non plus un exemple de ponctualité, je m'en accommoderai. Ce qui pourrait facilement énerver la pauvre petite occidentale que je suis ce ne sont pas tant les retards d'ailleurs, mais bien plutôt les absences ! Sur, disons, 8 inscrits, 4 en moyenne vont se présenter. Mais pas de panique, c'est normal ! ... Alors, si c'est normal... Il ne reste plus qu'à s'adapter !
J'ai un nouveau cours le samedi matin. Pas d'adultes cette fois, mais des enfants totalement débutants. Je sens que je vais bien m'amuser cette année ! Entre les cours pour adultes, pour enfants et les cours particuliers, sans parler des cours de mongol pour ma culture personnelle, ce sera une année placée sous le signe de la linguistique !

La vie à Ulaanbaatar est en pleine ébullition. Les rues sont remplies de jeunes couples (60% de la population a moins de 25 ans) qui se tiennent par la main, par la taille, par les épaules. A 16h, le centre-ville est plein de filles et de garçons sortant des différentes fac et qui courent prendre leur bus ou acheter des cochonneries à grignoter. Ces jeunes gens trainent sur les pavés avec de folles ambitions dans le regard. Si le monde ne leur appartient pas encore, la Mongolie quant à elle repose sur leurs solides épaules. Ils n'ont peur de rien et leur fierté se lit dans leur démarche ferme et assurée. La Mongolie n'a pas de soucis à se faire pour demain, les jeunes générations sont prêtes à tout pour faire rayonner leur pays au-delà des frontières. Prêtes à tout ? Et peut-être même un peu trop...

J'ai pu personnellement me rendre compte d'un sentiment inquiétant présent chez certains jeunes mongols. Il y a quelques jours, j'ai discuté longuement lors d'une soirée avec un mongol de 23 ans qui me tenait des propos à faire frémir toute personne ayant un minimum de notion en histoire européenne. Je ne m'étalerai pas sur le sujet, mais des termes comme "race supérieure", "garder le sang pur", "se mélanger c'est dégoutant" sont fréquemment sortis... Je ne veux surtout pas faire une généralité d'un cas particulier, mais après quelques recherches (lisez : http://www.theguardian.com/world/2010/aug/02/mongolia-far-right) et des discussions avec mes collègues mongoles, je commence regarder d'un mauvais oeil cette grande fierté nationale qui place plus que jamais Gengis Khan comme un véritable dieu devant l'éternel. Le fait d'avoir vu trois fois dans la rue des jeunes portant des T-shirts noirs arborant "fièrement" une croix gammée m'a définitivement convaincue : le tournant ultra-identitaire et nationaliste que prend la jeunesse mongole ne présage rien de bon. 
Mais puis-je vraiment dire quelque chose alors que dans mon propre pays, faire porter les problèmes et les difficultés quotidiennes de la société sur les minorités est un discours qui ne choque plus personne ?

La situation de la Mongolie est très complexe. C'est un  immense pays, mais c'est un pays "vide" (à peine 3 million d'habitants) et il est coincé entre deux mastodontes de l'économie mondiale, la Russie et la Chine. Il y a effectivement de bonnes raisons de vouloir défendre son identité, car la Chine aimerait peut-être faire en Mongolie ce qu'elle a pu faire au Tibet. Vraiment ? C'est ce que certains disent ici... Mais les grandes firmes européennes, (et particulièrement françaises telle qu'AREVA pour ne citer qu'elle) qui pompent allègrement les ressources du sous-sol mongols ne laisseraient certainement pas faire une telle chose... Intérêts économiques obligent. 
Bref, je m'arrête là même si le sujet mériterait bien plus d'argumentation, je sens que je ne gagnerai pas votre intérêt à le faire... :)

Comme vous le constater, je découvre le pays. Et au-delà de tout ce que je vous ai raconter, je me plais beaucoup ici ! Je rencontre beaucoup de gens. Je reviens aujourd'hui d'une virée dans le parc national Terelj (photos : https://plus.google.com/u/0/photos/110487609234800881589/albums/5931582801294794545). Ma première sortie en dehors de la ville ! Quel plaisir ! Mes poumons ont redécouvert le bonheur de se remplir d'air frais et pur. Le vent était déjà piquant mais une petite grimpette jusqu'au temple nous a bien réchauffés. 
A peine les portes de la ville passées, c'est la Mongolie sauvage idéalisée dans notre imaginaire occidental qui surgit devant nous ! La route zigzague dans une steppe immense, rude et majestueuse. Les yourtes autour desquelles broutent d'immenses troupeaux sont comme de petites tâches blanches et fumantes sur la toile grandiose de la Nature. Des cavaliers surgissent de nulle part et disparaissent comme ils sont apparus. Vautours, chevaux sauvages et domestiqués, chameaux et même rennes ! Cette journée aura été riche en découverte !
J'attends maintenant avec une impatiente folle une nouvelle occasion de savourer ce que je n'ai goûter que du bout des lèvres aujourd'hui.

vendredi 27 septembre 2013

Première semaine au bout du monde.

Après les péripéties habituelles de l'installation en terre inconnue, je peux enfin vous donner les premières nouvelles !

Comme vous vous en doutez, je suis bien arrivée à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie. Le bout du monde... J'ai encore du mal à réaliser que je suis dans une petite ville perdue au milieu de l'un des plus grands désert du monde ! Et pourtant, il est assez évident que je suis bien loin de notre vieille Europe...

La transition culturelle a débuté dès mon arrivée à l'aéroport de Moscou où j'avais 2 petites heures de transit. Des poupées russes richement décorées, des flasques frappées de la faucille et du marteau et une ribambelle d'objets à la gloire de l'Armée Rouge, le tout entassés pêle-mêle dans la zone duty-free de l'aéroport seront le seul aperçu de la Russie que j'aurai avant de repartir vers ma destination finale. 

La petite française que je suis, fraichement diplômée, ne fait alors pas trop sa maline car elle se rend compte qu'en quelques heures de vol, elle est devenue analphabète ! Et ça ne va pas s'arranger...



A 6h00, le samedi 21 septembre, je fais mes premiers pas sur le sol mongol. Nyamaa, un membre de l'alliance française, m'attend avec un grand sourire et mon nom sur une pancarte. Je découvre alors les premières images de la Mongolie à travers la vitre du taxi qui m'emmène vers le centre ville. Le soleil se lève dernière les montagnes arides qui encerclent la capitale. Sur les versants, quelques sapins encore dans l'ombre indiquent que nous sommes déjà haut au-dessus du niveau de la mer. Les premières rayons de lumière chassent la nuit et révèle une énorme et fumante... centrale à charbon. Le paysage se charge alors de hauts bâtiments en construction, de grues, de yourtes éparpillées... l'ensemble ficelé par d'énormes pipelines apportant l'eau en ville. Au fil des rues, les bâtiments vétustes hérités de la période soviétique côtoient des  buildings de verre et d'acier, d'un trottoir à l'autre on change de siècle !

La ville semble avoir du mal à endiguer l'exode rural de ces dernières années et les logements sortent de terre avant même que des routes ne soient construites pour y accéder. Le raccordement anarchique des bâtiments à l'électricité créé un réseau inextricable de câbles électriques au-dessus de nos têtes. Aujourd'hui, 1,2 million de personnes s'entassent à Oulan-Bator, soit quasiment la moitié de la population du pays.

Bienvenu en Mongolie.


Mon appartement est à l'image du pays, un mélange surprenant entre tradition, passé soviétique et modernité. Les couleurs chatoyantes des meubles typiquement mongols égaillent mon espace.



J'ai à ma disposition deux grandes pièces donnant chacune sur un balcon, que je n'utiliserai probablement pas avant l'été prochain. L'espace "cuisine et salle de bain" est assez spartiate. J'ai une baignoire dans laquelle, en plus de mon hygiène corporelle, j'y fait ma vaisselle........ mais au moins j'ai l'Internet haut débit !
Étant dans une résidence "dortoir" construite à l'époque soviétique, les règles sont simples mais strictes : pas de sortie après 23h sans en avertir la logeuse, une vieille dame dont le QG est installé au pied de l'escalier et qui a toujours un oeil sur la tv et l'autre à l’affut du moindre mouvement dans le hall d'entrée ; interdiction de déplacer les meubles dans le logement ; obligation d'avertir la dite logeuse si on invite des amis pour prendre le thé... En ce qui concerne mes voisins, je ne les ai pas encore tous rencontrés, mais je peux d'ors et déjà affirmer que l'un d'entre eux est un excellent chanteur d'opéra !

L'Alliance française est à 20 minutes à pied de chez moi. Je lutte contre moi-même pour ne pas, déjà, sortir mon gros manteau d'hiver, mon bonnet et mes gants, et pourtant... Les premiers flocons de l'année sont tombés 2 jours après mon arrivée... Et comme le chauffage (collectif bien sûr !) n'est pas encore allumé, il faut s'habiller presque autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Faire cours avec manteau et écharpe, c'est une expérience assez originale mais que j'espère être brève...
Ma première semaine de travail s'est très bien passée, il est assez surprenant de voir des gens si éloignés de notre culture être passionnés par le cinéma français et Alexandre Dumas au point de vouloir en apprendre la langue. Les échanges sont extrêmement riches et bien plus qu'un cours de langue, c'est un temps de dialogue entre deux cultures qui se met en place petit à petit.
J'avance à tâtons, je m'interroge, j'essaie de comprendre. La communication n'est pas toujours facile, mais il existe toujours un moyen de se faire comprendre !

Nous fonctionnons tous à peu près pareil sur cette terre, la peur de l'inconnu, de l'étranger cède très vite la place à la curiosité et au partage, il suffit juste de garder son esprit grand ouvert. Le monde livre ses secrets à ceux qui s'y abandonnent...

samedi 14 septembre 2013

Introduction et préparation

Il était écrit que la vie nous réserverait de drôles de surprises.

Je m'étais préparée à partir en République Centrafricaine ; la chaleur et l'humidité d'un pays équatorial, ma première rencontre avec un pays africain dont l'histoire est jusqu'à aujourd'hui plus que chaotique...
La RCA a connu, au mois de mars dernier, un coup d'Etat organisé par le groupe rebelle de la Seleka. Le président de l'époque, M. Bozizé a été destitué et remplacé par un membre de ce groupe rebelle, M. Djotodia. A la suite de cet évènement, le pays s'est retrouvé en proie à de grandes violences de la part des membres de la Seleka et d'autres groupes rebelles dispersés dans le pays. Il est toujours impossible aujourd'hui de faire ne serait-ce qu'une estimation du nombre de viols et de meurtres perpétrés dans le pays depuis la prise de pouvoir par les rebelles. Le conseil de sécurité de l'ONU a publié un communiqué le 14 août dernier décrivant la situation dramatique et extrêmement incertaine du pays. Des préoccupations ont été formulées sur la capacité du nouveau gouvernement à maintenir un service minimum de santé, d'éducation, d'alimentation et de sécurité pour la population. 

Bref, la République Centrafricaine agonise, sombre, meurt,  petit à petit et dans l'indifférence totale de la communauté internationale, bien trop occupée à "ne rien faire" en Syrie...

Autant vous dire que, ces circonstances n'étaient pas pour hâter mon départ... Les responsables de l'Alliance française de Bangui (capitale de la RCA), ne pouvaient m'assurer à 100% que l'Alliance serait ouverte à mon arrivée et un expatrié m'avait clairement fait comprendre que ma mission "n'avait pas de sens" dans ce contexte de guerre civile. 

Après des jours de réflexions et des nuits à les retourner dans ma tête, je me suis rangée du côté de la raison. Des coups de pied au cul auront néanmoins été nécessaires de la part de Camille et de mes parents ! Donc, le 20 août dernier, je décide de ne pas partir en RCA. J'en informe alors la responsable de l'Alliance française de Bangui qui ne semble aucunement surprise ou vexée de ma décision. Je me retrouve, encore une fois, dans l'incertitude et le brouillard. Et maintenant, je fais quoi ?

Parfois, les choses semblent se dérouler d'elles-mêmes, il suffit juste de tirer sur le bon fil. Ainsi, après quelques jours, très stressants pour mes parents autant que pour moi, je trouve une nouvelle offre d'emploi, pour la Mongolie cette fois ! 

 

Un autre continent sous d'autres latitudes, une autre culture et une autre langue ... une nouvelle aventure ? Vous pouvez compter sur moi ! 

La Mongolie... La Mongolie ! Pays des steppes, des chevauchées sauvages et des yourtes, pays du ciel bleu et du froid sibérien, de Gengis Khan et des chameaux qui pleurent... Voilà de quoi me faire oublier le gris de Paris et l’exiguïté de son métro ! Il ne me reste plus qu'à remplacer mes shorts et T-shirts par des polaires et des collants dans ma valise et... à apprendre le mongol... Cela ne va pas être une chose facile d'ailleurs, car il va falloir par la même occasion que j'apprenne à lire et à écrire le cyrillique. Gros défi, auquel je ne peux que répondre : "Challenge accepted !!". 

Dans une petite semaine, j'aurai déjà posé mes valises dans mon chez-moi mongol. J'aurai traversé un quart du globe et perdu 10°C. Je serai en train de m'installer pour un an dans un des pays les plus froids du monde avec des chutes jusqu'à -60°C dans la capitale, Oulan-Bator. J'essayerai de me faire une petite place dans cette population dont la culture millénaire à vu naître, au XIIème siècle, le plus vaste empire que le monde ait connu : l'empire mongol de Gengis Khan.


 Je suis déjà fascinée par ces hommes et ces femmes qui préservent encore un mode de vie nomade profondément respectueux de notre Terre. Qu'avons-nous à apprendre de ce peuple qui entretient un rapport si privilégié avec son environnement ?... environnement pourtant bien plus hostile que le notre ...

Qui sont ces gens qui baptise leur fleuve "Amour" et qui souffre de la famine lorsque l'hiver est trop long ?

J'ai hâte de voir, rencontrer, découvrir et partager ! Mais en attendant... Il va falloir que tout mon petit monde rentre dans ma valise ...