mardi 22 octobre 2013

Tradition et modernité, nature et urbanisme

Voilà une première étape de passée : mon premier mois en Mongolie ! Que dire de ces 30 derniers jours ?  Ils ont été forts, intenses, riches, passionnants. Et ce n'était que le commencement !

L'hiver prend ses quartiers dans la ville. Ce matin, les rues sont blanches et calmes. La route n'est pas déneigée devant la résidence. Les voitures roulent donc au pas lent pour ne pas glisser, tout comme les marcheurs sur les trottoirs. L'hiver ralentit la ville. Chacun se prépare aux prochains mois et aux chutes vertigineuses de température.

Peace street est la rue principale, elle ceinture la ville l'Ouest en Est et se prolonge à l'infini dans les steppes désertiques qui entourent la capitale. C'est l'axe de l'éternel trafic, des bouchons permanents. En suivant ce corridor sur toute sa longueur urbaine, on constate l'évolution de la ville. En partant de l'extérieur, on pénètre dans la capitale par les quartiers de yourtes, bric-à-brac de planches et de palissades cachant la pauvreté de ses habitants, puis, rapidement, les habitats de fortune font place à des bâtiments en dur de style soviétique. Certains sont vétustes, d'autres en rénovation, et plus on se rapproche du centre névralgique de la ville, plus les constructions s'élèvent vers le ciel illustrant ce besoin propre à l'homme de vouloir conquérir tous les espaces, tant horizontaux que verticaux.

Enfin, apparait l'apogée du modernisme mongol : la tour blue sky, immense voile de verre et d'acier dressée comme une provocation face à la place Sukhbaatar (récemment renommée place Chinggis Khaan).

 
 


Au nord, l'imposante statue de Chinggis Khan présidant le palais du gouvernement se dresse face à cet hôtel de luxe à 138€ la nuit.




Tradition et modernité se livre bataille ici, et tels des spectateurs dans leur tribune, les blocs de bétons sovièt semblent posés de part et d'autre de la place, attendant le dénouement de cette éternelle lutte dans laquelle ils n'ont plus tellement de rôle à jouer. Les pièces de l’échiquier sont en place, qui de la société consumériste outrancière ou de la tradition nomade sera la plus légitime dans la Mongolie de demain ?





Oulan-Bator a beau être la capitale la plus froide du monde, beaucoup de gens vont passer l'hiver dans les rues.
Tout au long de Peace Street, des vendeur(se)s tiennent leur échoppe sur les trottoirs. Quelles fruits et légumes (de plus en plus rares...) des bonbons et des gâteaux secs, des chaussettes et des collants de laine. Je pensais que ces petits étalages (parfois, seulement une table) n'étaient ouverts que lorsque la température extérieurs restait à un niveau tolérable, mais on m'a assuré que c'était souvent le seul moyen de subsistance des ces petits commerçants et qu'ils ne pouvaient donc pas se permettre de "fermer" 6 mois de l'année.

Ainsi donc, la dame vendant des paquets de mouchoirs et des bonbons à l'entrée du passage souterrain à quelques mètres de chez moi augmente la quantité de couche de vêtement sur son dos au fur et à mesure que la température diminue. Elle emmitoufle ses pieds dans des écharpes et boit du thé chaud assise sur son petit tabouret. Comment peuvent-ils tenir tout l'hiver dans ces conditions ? Car si nous avons déjà dépassé les -10°C et que le thermomètre ne monte plus guère au-dessus du zéro, nous sommes encore loin des -30°C...

Ces courageux commerçants ne sont pas les seuls à passer la journée dehors. Le gouvernement actuel n'est plus aussi généreux que le gouvernement communiste qui donnait gratuitement à chaque famille un terrain pour vivre. Ainsi de nombreuses personnes vivant à Oulan-Bator n'ont même pas les moyens de s'acheter une yourte. Ne pouvant survivre dans la rue, ils vivent sous terre. On rencontre ainsi, un peu partout dans la ville, des bouches d’égout ouvertes, porte d'entrée vers un monde souterrain où des familles ont élu domicile pour pouvoir échapper aux températures meurtrières de l'hiver. Collées aux canalisations apportant l'eau chaude dans les habitations, ils trouvent de quoi se réchauffer. Ils s'effacent du monde de la surface, trop rude et trop hostile pour trouver un peu de chaleur là où plus personne ne les voit. La pauvreté se cache sous terre ou dans les quartiers de yourtes pour laisser aux Hugo Boss, Dior et autres Blue Sky hôtel la place nécessaire à leur provocant étalage de richesse.

Certains disent que la Mongolie est en perte de repère, qu'en se coupant de ses traditions, elle s'éloigne d'elle-même et qu'elle vend son âme au démon du capitalisme. D'autres affirme que la Mongolie a tout à gagner à persévérer dans cette direction car c'est le chemin qui les mènera vers une meilleure qualité de vie. Pour certains, oui. Pour tous ?... Pas sûr...

Pourtant, la Mongolie est peut-être la mieux placée pour montrer l'exemple, car les mongols ont toujours entretenu un lien extrêmement fort avec la nature sur ce territoire immense. Le respect de la nature, la soumission de l'Homme à sa toute puissance et la reconnaissance des bienfaits qu'elle nous apporte sont les piliers de la culture nomade.

Les bottes traditionnelles ont le bout recourbé pour ne pas blesser la Terre...... mais à Oulan-Bator la mode est aux talons aiguilles claquants sur l'asphalte ; traditionnellement, les premières gouttes de vodka doivent être lancées vers le ciel pour le remercier...... mais à Oulan-Bator personne ne baptise les plafonds des bars en remerciement de l'alcool importé. On ne remercie plus, on ne s'excuse plus. On prend et on jette. S'il est tout à fait normal pour une population de vouloir tendre vers un meilleur niveau de vie (et personne ne peut sérieusement le leur reprocher), il ne faut pas oublier qu'il y a toujours un prix à payer. Et ici, la note commence déjà à être salée : pollution alarmante de l'air, maladie, pauvreté... Espérons que les choix futurs de la Mongolie se fassent dans l'intérêt de toute la population et de leur environnement si précieux. Pour l'instant, je me prépare à passer l'hiver dans la capitale la plus froide et la deuxième ville la plus polluée du monde !


Je poursuis sur une note plus personnelle. Notre sortie dominicale et salvatrice après une semaine en ville nous a emmené au parc national Guu-Galuutai. 3 heures de bus, dont 1 h 30 de pistes chaotiques ont été nécessaires pour atteindre notre but. Après avoir visité la statue équestre (et toujours aussi monumentale) d'un Chinggis Khaan argenté de 40 mètres de haut sur la colline où aurait été trouvé son fouet d'or (rien que ça !), nous nous perdons dans la steppe immense.


 Le chauffeur doit demander plusieurs fois son chemin.


 Les pistes serpentent dans un paysage sans repère. Une voie de chemin de fer, un lac, un cours d'eau, une yourte, un monde à l'horizontal, un désert. Nous allons jusqu'au bout de la piste (celle qui passe devant une petite yourte et qui file tout droit puis qui bifurque un peu sur la gauche). Les véhicules motorisés ne sont plus autorisés au-delà, c'est une réserve naturelle très protégée. Nous partons alors pour une petite grimpette, nous visons la crête de la colline au pied de laquelle nous nous trouvons.


Une fois en haut, nous poursuivons un peu notre chemin (nous avons vu des chevaux au loin ! ils ne sont pas sauvages donc nous pouvons les approcher un peu).


Puis nous redescendons par un autre versant... Mais,... où est le bus ?? Où sommes-nous ? Égarés... Nous avons réussi à nous perdre et à faire paniquer l'organisatrice du tour qui nous attendait au bus. Nous retrouvons notre chemin finalement, très surpris d'avoir réussi à s'égarer sur une colline rocailleuse. On fait moins les malins quand on se retrouve dans un environnement vierge, sans balise et sans chemins tracé... Mais quel plaisir de savoir que de tels endroits se trouvent à quelques kilomètres de la ville !


Une première étape a également été franchie dans mon intégration : j'ai eu ma première interaction commerciale en mongol ! Demander un produit, demander le prix, comprendre la réponse, payer, remercier, saluer. L'étape "comprendre la réponse" a été la plus difficile à atteindre, mais je progresse... Je vous parlerai plus longuement de la langue mongole car il y a beaucoup de chose à en dire ! J'y consacrerai un prochain article. Pour le moment, il est temps que j'aille travailler.... Il faut bien que je justifie ma présence ici !

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