jeudi 30 janvier 2014

Fête et linguistique !

Ce soir, c'est la veillée du Tsagaan Sar (litt : "le mois blanc", ou "la lune blanche"). C'est le nouvel an mongol, fête de la nouvelle lune et du renouveau. L'année du serpent se termine et c'est le cheval qui prend sa suite. Les préparatifs des festivités ont commencé depuis déjà plusieurs jours, voir plusieurs semaines pour certains.
La tradition veut que, pour cette fête, on rende visite aux aînés de la famille. Chaque foyer s'apprête donc à recevoir et à visiter une ribambelle de cousins, cousines, oncles, tantes, frères, soeurs, grand-parents, neveux, nièces... C'est le moment de l'année où tout le monde se retrouve pour partager un véritable festin.
Chacun s'affaire depuis deux semaines. Les carcasses de moutons s'entassent dans des fourgonnettes, les étagères des magasins se vident et se remplissent à un rythme soutenu, les "aliments blancs" (produits laitiers) envahissent les marchés. Certains produits typiques du Tsagaan Sar font leur apparition tels que les ulyn boov, genre de gros biscuits ovals qu'on empile les uns sur les autres pour former le shiniin idee (litt : "l'aliment nouveau").



Cette pièce montée est ensuite décorée de quantité de petites sucreries à base de lait.
Mais le plat inévitable du Tsagaan Sar est sans nul doute les buuz, les fameux raviolis de mouton mongol cuits à la vapeur.



Les mongols en confectionnent par centaine pour les offrir à tout ceux qui viendront leur rendre visite. Tout cela est bien sûr accompagné du suutai tsai qu'on ne présente plus (le célèbre thé au lait mongol), ainsi que l'aarts, boisson très, très surprenante... C'est du fromage mélangé avec de l'eau chaude, un peu de farine, ce qui donne une boisson épaisse et grumeleuse à l'odeur très particulière que certaines on qualifié de "vomi de bébé"... Je n'ai jamais gouté de vomi de bébé, mais j'avoue que... Bon... Passons.

Cette fête, comme toutes les fêtes du monde, est l'occasion de se rassembler en famille. Les jeunes offrent alors aux personnes âgées de la famille le khadag, un foulard de soie bleu, avec un peu d'argent.


Ici, le respect de la hiérarchie familiale est primordial, les jeunes doivent honorer leurs aînés. C'est un rapport entre les membres de la famille qui n'a pas vraiment d'équivalent dans la culture occidentale.

C'est d'ailleurs à travers la langue qu'il est possible de constater ces différences culturelles.

Par exemple, en français, la seule différence entre la grande soeur et la petite soeur réside dans l'adjectif qualificatif qui n'a pas une grande importance puisque quoiqu'il en soit, grande ou petite, elle restera ma soeur. En mongol, au contraire,la différence est de taille ! la grande soeur est appelée egtch, alors que la petite soeur est simplement eregtei duu (litt : "la petite fille", "la petite soeur"). De même, le grand frère est appelé akh, et le petit frère emegtei duu (litt : "le petit garçon", "le petit frère"). Il existe donc une nette différence (linguistique et donc culturelle) entre les cadets et les aînés. Ces derniers se rapprochent davantage des parents au niveau de l'importance dans la famille. La grande soeur "egtch" est plus proche de la mère "eej", que de la petite soeur "emegtei duu", et le grand frère "akh" est plus proche du père "aav" que du petit frère "emegtei duu". Quand la phonétique devient l'interprète des relations sociales !

On comprend alors toute la complexité du travail de traducteur...

Un autre exemple, il n'existe pas en français de traduction pour le mot zolgokh, qui est la salutation particulière échangée lors du Tsagaan Sar. C'est une salutation respectueuse au cours de laquelle on se prend par les bras, les mains allant jusqu'aux les coudes de l'autre. La personne la plus âgée place ses bras au-dessus de ceux de la personne la plus jeune. La société mongole étant très traditionnelle, très codifiée, ces gestes ne doivent pas être fait au hasard.
Il ne faut pas  "saluer" une femme enceinte de peur que les esprits influencent le sexe du bébé et le fasse "devenir une fille", la position d'infériorité de la femme est malheureusement quelque chose de commun à quasiment toutes les cultures du monde...
Les époux ne doivent pas non plus se "saluer" entre eux car, pour citer ma professeure de mongol "ils forment une seule et même personne", dès lors, pourquoi se souhaiterait-ils prospérité et bonheur, puisque que la prospérité et le bonheur de l'un feront la prospérité et le bonheur de l'autre ! Cette forme de salutation donc, profondément respectueuse, ne trouve pas d'équivalent en français.


Les langues sont un vrai miroir de la culture et des traditions. Elles sont vivantes et elles évoluent en même temps que leurs locuteurs. Elles nous racontent l'histoire du monde, l'histoire des peuples qui les ont façonnées. Elles sont les liens qui nous relient les uns aux autres et c'est à travers elles que nous pouvons comprendre la culture de l'autre. Elles sont les garantes de la diversité de l'humanité et tout comme elle, les langues se transforment, se complexifient, échangent et empruntent sans cesse.
Ainsi, le mot botïnk (litt : "chaussure"), est un mot que les mongols ont emprunté au russe et qui ressemble étrangement à nos "bottines" françaises... Intrigant !

Les mots voyagent et créent des ponts entre les hommes. Serions-nous donc fait pour nous comprendre finalement ?

Pour finir sur une anecdote, il y a quelques semaines, j'ai longuement échangé avec un mongol, non pas en mongol, ni en français, ni en anglais, mais en langue des signes (avec les quelques pauvres restes que j'ai pu glaner dans ma mémoire... merci les cousins !! :) ), et j'ai été extrêmement surprise de voir à quel point cette langue est universelle ! Peut-être avons-nous déjà entre nos mains l'outil qui pourrait relier toute les langues du monde !...

2 commentaires:

  1. J'adore tes posts, on en apprends toujours ! Bisous copine !

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  2. C'est bien qu'il te reste quelques souvenirs de langues des signes, qui en effet, sera peut-être la langue de demain...

    Bisous. :)

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